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[3.3.2] La pêche en bateau
[3.3.2.1] La vie à bord de la caïque
Jusqu'aux années 60, avant que ne disparaissent
les activités du port, le bateau de pêche employé
à Yport était la caïque. Le nom du bateau,
" caïque ", et la définition qu'en
donne le PR (333) laissent entendre à certains
qu'il s'agit d'une embarcation méditerranéenne.
Cependant, le terme " caïque " a servi à
désigner des modèles de bateaux autres que
ceux du Bosphore. Nous relevons, par exemple, chez Anthiaume
(1925:97) la définition suivante : " La
(sic) caïque était une embarcation n'allant
qu'à l'aviron ; elle portait un canon à
l'avant, était forte d'échantillon et tirait
peu d'eau ". Il précise qu'elle avait été
utilisée dans la marine de l'Etat qui en possédait
vingt-cinq en 1800. Selon Décembre-Alonnier (1815:37a),
" caïque " était autrefois le nom
des bateaux qui servaient de chaloupes aux galères
(334), bâtiments
de guerre dont Napoléon avait concentré une
flotille dans le port de Boulogne. De construction peut-être
inspirée des caïques mentionnées ci-dessus,
le bateau de pêche yportais est ainsi décrit
dans le Guide des termes de marine (1997:112) : " fort
canot de pêche aux cordes et au filet de dérive,
construit à clins, de la région d'Etretat
et d'Yport, d'abord gréé en lougre à
trois mâts au tiers, puis à deux mâts
gréés en bourcetmalet. En l'absence de port,
les caïques devaient être tirées sur la
plage puis remises à l'eau à chaque marée ".
Le substantif " caïque ", employé
au féminin, ne saurait être rattaché
uniquement à l'esquif de la Méditerranée
mais désigne, dans la région d'Yport, le type
de bateau de pêche qui y était employé.
Ce n'est ni la construction de la caïque yportaise,
ni son gréement, non plus que les techniques de pêche
qui seront l'objet des sections suivantes. Notre but n'est
que de faire apparaître des items régionaux
ou dialectaux autrefois en usage à Yport chez les
pêcheurs, termes toujours compris aujourd'hui et parfois
encore employés si la technique existe toujours.
Nous désirons également montrer le quotidien
de ces pêcheurs tel qu'ils le racontent eux-mêmes.
Le témoin suivant semble faire une distinction entre
caïque et canot :
j'ai navigué avec XX
/ il avait une caïque / puis après / il avait
acheté une petite barque [citation] vie de canot
/ vie de linot (335)
(linotte) [fin de citation] un linot c'est un oiseau
qui vit de rien d'après les femmes
Aujourd'hui, ce sont d'autres types d'embarcations qui sont
employés par les Yportais
nous / les bateaux qu'on a
maintenant / on appelle ça des plates (336)
/ c'est un grand doris qu'est coupé / ça a
l'avant d'un doris mais ça a le cul carré
// puis un doris qu'a un moteur / ça s'appelle un
houari (337) / le
doris il a des rames
Un témoin se souvient d'une voile particulière
qui permettait d'augmenter la vitesse de l'embarcation :
pendant la guerre / quand on
n'avait pas de gasoil / on avait un martin et à
Yport on appelait ça un maquinquoi / c'était
une voile qui partait du haut du mât de tape-cul /
on mettait un bout d'écoute d'un foc et on le bordait
L'équipage de la caïque comprenait généralement
six hommes, le patron et un mousse. Les matelots passaient
deux à trois jours à bord, rarement davantage,
et emmenaient de quoi se restaurer :
dans les caïques / chacun
embarquait sa bougette (338) (sac) / ou sa petite mande (corbeille)
/ on mangeait un bout d'équin (339) (équin maquereau dépouillé
dont la peau a servi à faire des leurres) / des petits
bouffis (340)
(harengs saurs) // on embarquait souvent de la charcuterie
/ du lard (341)
(viande de porc) / alors les vieux disaient [citation] marée
de cochon / marée de guignon [fin de citation] /
ils croyaient que ça portait la poisse // c'est la
même chose qu'ils voulaient pas manger de lapin /
ils disaient même pas [le mot] lapin / ils disaient
le cousin du lièvre / ou les grandes oreilles
(342) / mais jamais ils auraient parlé
de lapin
Avant qu'il ne s'éteigne, le poêle de la caïque
permettait certaines préparations culinaires :
un peu avant les harengs /
on allait chercher des marrons / on avait un petit
trois pieds (poêle) tout à fait sur
l'avant de la caïque / et on les faisait rôti
(rôtir) // quand arrivait trois quatre heures du matin
/ le poêle était éteint / si il y avait
une bonne achie (343) (rafale de vent) / y en avait toujours
à la Grand Vallée [nom donné
par les pêcheurs à la ville de Veulettes] /
l'eau ouarquait (344)
(roulait) sur le pont / on était tout enfrédueu
(345) (enfréduré saisi
de froid) / gleu (gelé) comme des galots<
Sur les bateaux, c'était le cidre et l'eau de vie
qui étaient consommés :
on prenait un litre ou deux
de cidre / on faisait du cidre pour les matelots / qu'ils
embarquaient / et à chaque marée / ils avaient
droit à une bouteille d'eau de vie pour huit / et
ça servait aussi de désinfectant
C'est à la guerre que les rations de vin seront introduites
et on nous raconte :
pendant la guerre / les matelots
/ on avait drouèt (droit) à vingt-huit
litres de vin par mois / tandis que les travailleurs de
force / ils avaient drouèt (droit) à
quatre litres par mois // chez mes parents on étaient
cinq à naviguer sur le même bateau / alors
on avait droit à cent quarante litres de vin
Répandre la rumeur qu'un serpent de mer sillonne
les lieux de pêche est une plaisanterie assez courante
chez les pêcheurs :
A Saint-Martin [aux-Buneaux]
/ ils ont fait couri (courir) le bruit qu'il y avait
un serpent de mer / et puis le serpent de mer / c'était
des canards / des fois / on veyait (voyait) des canards
/ ça passe au ras de l'eau / et puis ils se suivent
à la file indienne // après on l'appelait
le Serpent de la Saint-Martin
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