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[3.2.4] L'habillement des Yportais
Quand nous avons posé des questions
sur l'habillement des Yportais, c'est celui de leurs parents
ou grands-parents que les témoins ont décrit.
Les pêcheurs yportais, à terre, étaient
vêtus d'une façon qui montrait leur profession
: vareuse et pantalon bleu ou cachou et un béret
ou une casquette où ils conservaient leur chique
le temps d'une conversation. L'équipement complet
des pêcheurs de caïques ne différait guère
de celui des terre-neuviers et on trouvera une très
bonne description de ces vêtements chez Bruneau (1995).
Aux pieds, les marins avaient généralement
des sabots de cuir et certains autres Yportais avaient des
chaussures :
des caucheuses (286)
/ <c'> est des souliers / il y a eu une famille à
Yport / le premier levé était le premier caucheu
(chaussé) / et puis les autres marchaient nun-piè
(nu-pied) / quand on parlait d'un manunt (manant
(287) misérable) qu'avait des habits
tout épouchinés (288) (effrités) / on disait [citation]
il est nun-piè nun-pattes sons cravate
nun-cô (il est nu-pied nu-pattes sans cravate
nu-cou) [fin de citation]
Deux sortes de mouchoirs étaient employées :
y avait le moucheux de pouquette
(289) (mouchoir de poche) et le moucheux
de cô (mouchoir de cou foulard) / pour
dire pas grand-chose / on dit [citation] grand comme un
moucheux de pouquette [fin de citation] / le moucheux
de cô / c'était en coton / blanc pou
(pour) les poulots (enfants) // pou (pour)
les matelots / bleu avec des pois / on le passait d'abord
devant / au ras du menton / on faisait un tour / puis deux
noeuds devant / c'était pour que le ciré vous
coupe pas le menton // l'été / les vieux /
ils faisaient quatre noeuds aux coins / et ils se le mettaient
sur la tête / pour le soleil
Le ciré, les bottes et le suroît n'étaient
utilisés qu'à bord :
quand il y avait du mauvais
temps / on capelait (290) le cirage (291) (ciré) // y avait des matelots
qui faisaient eux-mêmes leurs bottes / ils achetaient
des sabots de bois et cousaient du cuir dessus // y avait
un (sic) anse de chaque côteu (côté)
de la botte pour la râler (292)
(haler tirer) // et pour avoir plus chaud / on mettait
des grosses chaussettes qu'on appelait des bas de bottes
// on mettait le seuroît (suroît) quand
il faisait du mauvais temps
Quand nous avons évoqué l'habillement des
femmes, des témoins ont pensé à leur
grand-mère :
on disait pas des jupes / ils
(sic) appelaient cheu (ça) des corsets
(293) / y avait
que des fronces que des fronces / c'était des grandes
jupes / deux ou trois / et puis en dessous / ils (sic) avaient
une pouquette (poche) pour mettre leux (leurs)
sous // quand y avait la cminse (chemise) qui dépassait
le corset (jupe) / on disait / c'est à la
mode du Pollet [quartier de Dieppe] // et puis / y avait
une expression d'Yport [citation] du côté du
corset (de la jupe = de la mère) / ça
va toujous drèt (toujours droit) /
du côté de la culotte [du père] / ça
croche
On nous raconte une histoire où un couple d'Yportais
a été obligé de loger, pendant la guerre,
un Allemand. La femme se prépare pour la nuit :
elle commence à décapeler
(294) (enlever) sa blouse / on la décapelait
par la tête
Et le témoin enchaîne sur des particularités
physiques féminines :
une petite femme bien ronde
/ on dit <c'> est eune ponne (295)
(femme rondelette) / y avait même une caïque
qu'on appelait la ponne à cause de la rondeur
de son étrave // une personne qui a une bonne poitrène
(poitrine) / on dit / elle a des estomacs (296)
/ ou t'as rien comme (comme tu as de) gros tétets
(297) (seins) / ou encore / y a du monde au
balcon (298) //
et au milieu entre les deux seins / c'est le bénitier
du diable (299)
Les femmes qui utilisaient une hotte la portait de façon
spéciale :
la hotte ils (sic) la portaient
avec une têtiée (300) (têtière bandeau)
/ c'était un bout de rets(301) / ou de vadrouille(301) / la vadrouille / c'était de
la senne à harengs / roulée puis cousue /
ça leur servait de têtiée
Un témoin raconte un incident qui aurait pu avoir
des suites fâcheuses :
ma mère avait vu / juste
sous la couaisée (303) (croisée fenêtre)
de la cuisène (cuisine) man fré
(mon frère) jouer à biribi [jeu de
dés, variante béribi] / elle a
sorti / elle a pris sa claque (sabot) / puis qui
qu'a (qui est-ce qui a) déboucanneu(304) (sorti) au même moment de l'encoignure
du bistrot [interrogation] / [réponse] un restaurateur
qu'a reçu la claque
L'équipement de la ramendeuse, de la marchande de
poisson et de la marchande de moules comportait certains
accessoires particuliers :
les r(a)mendeuses /
elles avait un carcul (305) (protection pour les fesses) / c'était
quelque chose qu'on mettait sur les fesses quand on portait
des sennes mouillées / les marchandes de moules c'était
pour se protéger de la hotte // ils (sic) avaient
aussi leux (leur) caqueux / un couteau eum
ptieu (un peu) pointu qu'était attaqueu
(attaché) à la cheintue (ceinture)
et qui pendait / le paillet (306) / c'était un tablier ciré
qu'avaient les marchandes de poisson / les marchandes de
moules
Quand aux enfants, ils étaient vêtus comme
tous ceux de la région mais, et cette fois nos témoins
évoquent leur propre enfance, ils recevaient un cadeau
de la mairie de Fécamp :
à Yport / on avait droit
à une pée (paire) de galoches que Gustave
Couturier qu'était maire de Fécamp donnait
à tous les élèves / puis un cache-nez
// il y en a qu'en avait besoin / qu'étaient rhabillés
(307) (= vêtus d'habits donnés)
On nous invite à ne pas confondre le sens du verbe
rhabiller indiqué ci-dessus avec celui qu'il
a dans une locution argotique très répandue
dans la région, ainsi employée :
va te faire rhabiller chez
Plumeau (308) (= va au diable)
Le dimanche, tous revêtaient, comme partout, les habits
du dimanche, ce qui pouvait susciter une exclamation sincère
telle que :
t'es rien (comme tu
es) bé (beau) anuit (309) (aujourd'hui)
On critiquait celui qui négligeait de se changer
pour la fête dominicale :
il a point gué
(guère) de fachon (façon) (= il n'est
pas bien élégant)
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