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[3.2.3] Les infirmités légères
et les problèmes bénins de santé
Nous allons évoquer les infirmités
légères et les problèmes bénins
de santé qui nous ont été décrits,
ainsi que quelques remèdes préventifs ou curatifs.
Certains enfants acquièrent tardivement le contrôle
des sphincters qui retiennent l'urine dans la vessie :
pour les bébés
/ y avait les longets (237) (langets langes) / mais pour
ceux qui faisaient pipi au lit / on disait des pennons
(238) (tissus usagés servant de langes
pour enfant énurétique) / on les faisait sécher
au-dessus du poêle en hiver / je ne vous parle pas
de l'odeur
Beaucoup d'enfants autrefois avaient des vers et nombreux
sont les Yportais qui nous raconté comment s'en préserver :
pour les vers / on avait des
colliers d'ail / on enfilait des gousses d'ail sur un fil
/ et on portait ça
Des expressions circulaient il y a encore une cinquantaine
d'années pour désigner des particularités
que les appareils dentaires redressent aujourd'hui sans
difficulté :
on disait / il a des dents
à drécher (dresser) le pot-au-fû
(pot-au-fu) à Dunkerque / ou encore / il a des dents
à merquer (marquer) le beurre à Isigny
De petits défauts physiques se remarquent :
y avait un boquilla (239) (boiteux) / il avait du mal à
monter le grimpet (240) (raidillon) c'est peut-être aussi
qu'il était vieux / tout rechincheu (241)
(tassé par l'âge) // et dans ma classe / y
avait un bagouleux (242)
(bégayeur) / un qui bagoulait (bégayait)
La laideur physique peut attirer certains commentaires :
il est rien (comme il
est) sot (243) (vilain) / un vrai sotou (244)
(laid) / il est comme un rêvable (245) (laid à donner des cauchemars)
Des témoins évoquent un homme qui se grattait
sans cesse :
ce gars-là il avait
pris le plè (pli) (246) de se frotter le dos à l'encoingnure
du coiffeur / on lui disait // es-tu quitte (as-tu
fini) de te pigner (gratter) / pigner (247) / <c'> était se battre
/ ou bien se gratter // il disait j'ai manjue (248) (ça me démange) / alors
/ comme il se grattait toujours le dos [en cauchois, la
colonne vertébrale se nomme " arête "]
on l'appelait l'Eêque (arête) // quand
ça gratte parce que la peau est sèche / on
dit / j'ai halitre (249) / et si ça démange / ça
me démâque (250)
Les désagréments dus aux vêtements de
laine sont aujourd'hui rares :
quand la peau est rouge / à
cause du frottage (frottement) de la laine / on dit
j'ai du rible(251) (irritation) ou ça me rimole
(252) (brûle)
Sans être vraiment malade, il arrive que l'on ne se
sente pas vraiment en forme, alors on dit :
è sieus (je suis)
point dru (253) (ça va pas fort)
Ou bien les autres remarquent :
il est à mouque
(254) (est à mouche n'a pas
l'air en forme)
Ou encore constatent :
il a une figuë de punssenlit
(figure de pissenlit l'air fatigué)
in'na pou s'n'ours (255) (il en a pour son ours il a perdu
la santé)
Un état d'extrême maigreur attire la remarque :
y en a point pou en vé
(il n'y en a point pour en voir = il ne reste
rien à voir)
Provoqué par un caractère sévère,
ou parfois par une douleur ou malaise imprévu, une
attitude rigide provoque ce commentaire :
il est raide comme la barbe
à Jacques (256)
Une locution pour désigner la surdité est
en usage à Yport :
nous on dit / sourd comme un
orvet (257) / mais à la campagne ils disent
sourd comme une bouèse(258) (boise bûche)
Avec les années, la vue peut baisser mais le remède
n'est pas loin et l'on peut encore aujourd'hui entendre
dire :
où sont passés
mes quatre'z yeux (259) (quatre yeux lunettes)
Certains symptômes s'observent toujours mais ne sont
pas soignés de la même façon qu'autrefois :
quand on avait mal à
la gorge / on disait qu'on avait la luette bas (260)
/ on allait chercher une vieille grand-mère / elle
prenait le dos d'une petite cuillère à café
/ puis elle mettait du poivre dessus / et elle levait la
luette avec ça / et la luette était relevée
La même personne traitait encore d'autres affections
et nombre d'Yportais gardent le souvenir de ses traitements :
quand on avait mal à
l'estomac / on disait / on a la niolle (261)
bas / fallait qu'elle nous remonte l'estomac / elle nous
faisait pendre à une porte / fallait lever les pieds
/ elle vous appuyait là [le témoin montre
le creux de son estomac] puis elle disait [citation] demain
tu seras guérie ma petite fille [fin de citation]
c'était remis en place // elle remontait aussi les
organes
Certains légumes sont bien connus pour leurs effets
nocifs :
le grond-pé (grand-père)
disait [citation] tu vas point manger de la soupe à
la suelle (surelle oseille) / tu vas avé
(avoir) la cholérène (262) (cholérine) // la cholérène
blue; (bleue)
Si la mise en garde ci-dessus est tout à fait acceptable,
en revanche, une personne bien élevée n'évoquera
pas les problèmes posés par la constipation
qui l'ont laissée éponnée (263). Les règles des femmes étaient
un sujet tabou qui était parfois cependant évoqué
de la sorte :
j'ai mes ours (264)
(règles)
Les matelots, trivialement, employaient des termes de marine
pour parler des menstrues de leur femme :
alle (elle) a san
(son) paillet Makarov (265) (= ses règles)
C'est parce qu'elle était atteinte de chassie qu'une
Yportaise était appelée Chirot. Avoir
les yeux chassieux est aujourd'hui relativement rare, mais
il peut arriver que des sécrétions encombrent
l'oeil :
je lui ai dit tout à
l'heue (heure) / t'es chiroteux (266)
(chassieux) t'as des chirots (sécrétions
chassieuses) dans les yeux [le témoin nous explique]
c'est quand on pleure des yeux / et puis avant y
en avait qui avaient comme une petite poche de peau qui
pendait à la paupière supérieure /
on disait un boudiot (267)
à l'oeil
Ceux qui prisaient proposaient un traitement aux enrhumés :
quand on était pêqueu(268) (attrapé [par le rhume]) les
vieux disaient [citation] en veux-tu eune tite
(petite) prinse (prise) que je sorte ma cnnasse(269) (connasse tabatière) [fin
de citation] ils prinsaient (prisaient) puis ils
avaient les narènes (narines) comme des cmineilles
(cheminées) / tout (sic) noué (noir)
/ mais quand on avait la riame (270)
(rhume) ça dégorgeait / c'était bon
même pour les enfants
Pour des cas plus sérieux, on se devait d'employer
un remède plus puissant :
pour les bronchites / on mettait
des cataplasmes / puis un drog(271)
(grog) de matelot / on mettait du rédimet
(272) / c'est de la goutte / ou du rhum /
très peu d'eau / du sucre / on flambait / fallait
voir double // et on repartait comme en 14
Les témoins évoquent une affection dont ils
étaient souvent victimes autrefois et quels soins
y apporter :
les panaris aux doigts on pissait
dessus / ou alors / vous faites une petite boubouille
avec de la mie de pain / du savon / un feuille de lys ou
une queue de poireau / vous gardez ça 48 heures et
votre panaris va crever
Les pêcheurs étaient victimes de maux dus à
l'exercice de leur profession et certains rentraient de
la pêche avec des irritations fort désagréables :
j'étais tout essaveu
(273) (irrité) parce que j'avais été
à rchange (274) (rechange = dans le besoin de
me changer, d'où " en sueur ") / c'est
pas toujours qu'on séquait sa laigne (275) (séchait sa laine sécher
sur soi) / <c'> est quand on est mouilleu (mouillé)
puis que ça séque (sèche) sur
le dos // c'est surtout dans la railette (276) (raie des fesses) qu'on est essavé
/ ou aux cuisses / on a du mal à s'asseoir // j'avais
des petits choux (277) (inflammation de la base des poils due
à l'humidité et aux frottements) / à
cause des piqures des maquereaux du frottement de la laine
/ c'était des petits boutons blancs avec du pus /
il y en avait un à chaque poil / ça faisait
mal / on avait beau mettre des brachelets (278) (bracelets protection pour les
poignets) / ça soulageait pas beaucoup
Exposé aux rayonnements et à le réverbération
du soleil sur la mer, il n'était pas rare que le
pêcheur, sur sa caïque, soit victime d'un coup
de soleil :
des fois / quand on rentrait
/ on avait la peau qui piaulait (279) (pelait) surtout aux oreilles et au
nez
Un informateur raconte comment la fatigue était parfois
intense au retour de la pêche :
on rentrait à pièche
d'heue (à pas d'heure = à une heure
tardive) // quand je revenais / j'étais pineu
(280) (piné
fatigué) comme eune vieuille (vieille)
raie / je pouvais plus ouvrir les clipotes (281) (yeux) / et arrivé à table
/ je piquais le moineau (282) (piquais du nez) dans l'assiette
Si, par suite d'un malencontreux accident, dû peut-être
à l'emploi d'un étibot(283) (mauvais outil), un Yportais saignait,
il pouvait s'écrier :
è sieus (je suis)
braseu (brasé) de sang (284)
(rouge de sang)
Une autre expression montre le caractère parfois
excessif des Yportais qui, voyant une personne en larmes,
n'hésitaient pas à s'exclamer :
a pleue comme eune veine
(285) coupeille (elle pleure comme
une veine coupée)
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