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[3.2.2 La vie quotidienne]

Les habitations yportaises, ni extérieurement ni intérieurement, ne différaient en général de celles, citadines ou rurales, du pays de Caux. La porte de la demeure restait généralement ouverte et le visiteur entrait directement dans la cuisine en criant :
alle y est-ti ( (est-ce qu'elle y est) alle est-ti leu (est-elle là) [question]

En hiver, quelqu'un de frileux demandait parfois :
ferme la porte / la cuisène (cuisine) est engeleille (120) (refroidie) / le poêle feume (fume)

Si la porte était fermée, le visiteur l'ouvrait sans frapper pour s'enquérir d'une présence. Si elle était fermée à clé, il constatait :
alle (elle) y est point

On nous a signalé qu'à Yport, outre la cuisine et l'arrière-cuisine, les maisons possédaient encore parfois un débarras :
les gens qu'avaient une maison / ils || avaient la cuisène (cuisine) / ils || avaient la salle [à manger] / mais ils || allaient jamais dans la salle pou (pour) pas sali (sali) / y avait l'arrière-cuisène puis encore un cabouin (121) (débarras) dans le fond / c'était un cagibi / un petit chélier (célier) avec des éagnies (122) (éragnies araignées) dans les futins (123) (objets sans valeur) / <c'> était point trop clé (124) (clair propre)

Le témoin rit en précisant :
on dit pas c'est sale / on dit / <c'> est point clé (clair propre)

Un sable fin permettait un bon récurage du carrelage rouge des maisons de la ville :
pou ( (pour) le paveu (125) (pavé carrelage) rouge / les vieux / ils || allaient chercher du sable fin à la Valette / le sable il est tout fin tout fin / le XX / il allait jusqu'à la Valette aveuc (avec) eune petite mande (126) (corbeille en osier) / il mettait un vieux bout de chique (127) (chiffon) dans le fond et puis il puchait (128) (puisait) à la main du sable / il le mettait par terre comme ça le pavé il était récuré // on le changeait toutes les semaines

Ceux qui ne voulaient pas employer le sable avaient une autre méthode :
le paveu (pavé carrelage) rouge / fallait le passer au savon (mou) / puis quand il était bien sec / on étendait de la mouleille (129) (moulée sciure) dessus pour faire briller / y en avait partout // jusque dans les lits qu'on pouvait trouver des friolets (130) (copeaux) // une fois la semaine on passait un coup de torchon à paveu (serpillière)

Nous disons que cela ne devait pas être bien agréable sous les pieds :
on gardait nos claques (131) (sabots) / on n'avait pas de chaussons

Plus tard, dans une autre famille, on nous signale des charentaises et on nous raconte :
quand on chausse ses savates sur le derrière aplati comme des mules / on dit / on a les chavates (savates) en quiache (132) (aplaties derrière)

Les jours de pluie, des déchets s'accumulaient dans les ruisseaux et il ne restait qu'à constater :
faut que je netteye (nettoie) man (mon) rigolet (133) (ruisseau) / il est plein de ravène (134) (ravine détritus)

Deux meubles ont été cités par un témoin qui ne peut s'empêcher de citer une anecdote qui, en son temps, a fait le tour d'Yport :
(chez nous / y avait l'om'mée (135) (omée armoire) pour le linge / les serviettes / les draps / les têtes d'oiller (136) (taies d'oreiller) / tout ça // et un placard / <c'> était l'om'mée-tenante // y a une Yportaise qu'était partie au Havre avec sa fille / c'était la première fois qu'elles voyaient un ascenseur / et puis la fille dit [citation] guette (137) (regarde) oumun (maman) / l'om'mée (omée armoire) qui monte

Les petits jardins potagers d'autrefois ont été transformés en jardin d'agrément et les engrais naturels ont été délaissés :
les truets (138) (étoile de mer) / c'était bon pour donner de l'engrais aux pommes de terre dans le gardin (jardin) (139) / on mettait un truet entre chaque patate / mais fallait pas en mettre tous les ans // et pour les fleurs / les tomates / on ramassait de la pone'neille (ponnerée (140) crotin de cheval)

Nous exprimons à un témoin nos regrets de l'interrompre en train de couper sa haie, mais il nous rassure :
je suis pas à l'appétit (141) d'une journée (à une journée près) / j'en referai une coupeille (142) (coupée part) tout à l'heure / si j'ai envie / entrechite (143) (d'ici à ce que) qu'il fasse nuit

Un témoin se souvient des matins d'hiver, quand il était écolier :
c'était dur de se lever quand on était houleu (144) (caché) dans son lit / mais fallait se déhouler (145) (sortir) // y avait pas de douche / on se débrouillait (146) (débarbouillait) avec une main (147) (gant de toilette) / on se peignait avec le démêleux (148) (démêloir) / fallait que la railette (149) (raie des cheveux) serait bien drète (droite) / et pas question d'avè (avoir) des grands pias (150) (cheveux)

Dans la classe, la maîtresse d'école contrôlait régulièrement, avec deux règles, si les cheveux des enfants ne contenaient pas de poux, ce qu'ils faisaient parfois et un témoin raconte comment on s'en débarrassait :
ma mère / elle me mettait un torchon sur le dos / et elle me peignait / avec un pigne (151) (peigne fin) / elle cherchait les rogains (152) (lentes) / on en était tout guédis (153) (remplis) // nous / à Yport / on disait / un pou / trente-six (fois) grond-pé (grand-père)

Dans un restaurant, en mai 2002, nous entendons la jeune serveuse demander à deux personnes qui terminent leur déjeuner :
ces messieurs sont contents de leur dîner (154) [question]

La question ci-dessus nous montre qu'à Yport on reste attaché aux termes anciens pour désigner les repas.

Une tâche autrefois très importante était l'allumage du feu et il fallait de quoi l'allumer. A Senneville, c'était la bourrée (155) (ajoncs) ou les tiges de rapti (colza) qui remplissaient cette fonction. D'autres moyens étaient utilisés à Yport :
les personnes âgées / elles avaient un morceau de touèle (toile) coupé en carré / ils (sic) disaient [citation] on va empli (emplir) notre carrié (156) d'alleumettes (157) (allumettes aiguilles de sapin) / de sapinettes (158) (pommes de pin) / puis ils montaient ça à leur grenier pour allumer le feu

Un témoin confie :
on allait acheter des quart-moins-de midi (159) (paquet de brindilles) à la boutique (160) (épicerie)

Quand nous demandons à un autre Yportais si on achetait ces quart-moins-de midi dans sa famille, il s'écrie, incrédule :
jamais personne aurait acheté du fagot / et si on avait vu quelqu'un le faire / on aurait dit / qui que c'est que (qu'est-ce que c'est que) çu (ce) malaucoeux (parvenu)-là [exclamation]

Il s'avéra par la suite que les quart-moins-de midi (paquet de brindilles) avaient un bout soufré qui pouvait en justifier l'achat. Après une journée à la mer, les Yportais languissaient après un peu de chaleur et pouvaient annonçer :
on va (faire) eune bonne baeille (161) (flambée) en ratrant (rentrant) à (= ce) soué (soir)

L'entretien du feu était une occupation salissante selon les souvenirs du témoin :
j'étais tout moeu (moré (162) taché de noir) quand j'avais ramouveu (163) (attisé) man (mon) (feu)

D'après un informateur, c'est l'échouage du Psyché (voir § 1.2.2) qui aurait fait connaître le vin aux Yportais et, si l'on en croit la séquence suivante, ils l'ont vite intégré à leur quotidien :
quand il y a du pot-au-fû (pot-au-feu) / après le bouillon / on prend le coup du curé / ou du docteur // ça dépend si on est croyant ou pas / c'est le coup de rouge après

Avant la guerre, comme dans le reste du pays de Caux, le vin n'était pas d'un usage courant à Yport. Ceux qui désiraient en boire l'achetaient au café :
quand on était gosse / on nous enveyait (envoyait) qu (e)ri (164) (quérir) une chopine (165) au bistrot / c'était une petite bouteille

Les témoins nous décrivent leurs plats préférés :
le régal de Fécamp et d'Yport / c'est des pois (166) (haricots) à la crème avec un hareng rôti / on'n aurait (on en aurait) mangé sur la tête d'un tagneux (teigneux) même si les pois (haricots) avaient des mauvais effets / on va manger des musiciens qu'on disait // y avait aussi les preudomes (167) (haricots) qu'étaient plus gros et qu'on mangeait verts // le craquelot (168) (hareng légèrement fumé) / c'est le hareng tout frais avec juste une petite fumure d'à peine huit heures / et puis des fois / on disait / on va manger notre poulet (hareng légèrement fumé) / le poulet du nord qu'on disait / c'était des safates (filet de hareng) de hareng frais faites sur le bateau // à la saison des maquediâs (maquereaux) on se régalait aussi / mais fallait qu'ils seraient raides comme du bois (= très frais) // la lisette (169) / les petits / on les mange amarinés (170) (marinés) // et les petites lisettes / c'est des sansonnets (171)

Un informateur évoque ensuite le plat le plus commun autrefois :
on faisait le pot-au-fû (pot-au-feu ) le samedi pour le dimanche / pour que la graisse du bouillon serait fligeille (172) (figée) // avec les restes / on faisait du ragoût qu'on laissait rondouiller (173) (randouiller mijoter) sur le fourneau / y avait pas de gabillonnage (174) (gaspillage) / si c'était point gué (guère) bon / on mettait un petit quelque chose pour ragoûter (175) (donner du goût)

Nous demandons aux témoins s'ils mangent le chinchard :
nous on appelle ça de la caringue (176) // y en qui appelaient ça du maquereau anglais / on en a mangé pendant la guerre / ça s'épluchait / on retirait la peau / ça faisait des filets / faut savoir le préparer

Une Yportaise prépare de temps en temps un plat qui n'est plus si courant :
y a les nôs (177) (vessie natatoire) [le témoin plaisante] perds pas le (178) qu'on dit ici // la marchande de pesson (poisson) / elle me dit des fois / voulez-vous trois quatre éêques (arêtes) pou (pour) (faire) des nôs (plat de vessies natatoires)

L'informatrice précise comment les matelots nommaient un autre mets délicat, selon qu'il était ou non salé :
quand ils [les terre-neuvas pendant les campagnes de pêche] mangeaient les têtes de mo (r)ues ils mangeaient les babouènes (babines) et quand ils les décorticaient pour les saler / c'était les tours de gueule

Un témoin nous indique une pratique disparue :
y avait ce qu'on appelait une petite boubouille (179) (goûter) / c'était une collation dînatoire / du pain en petit morceau dans le café au lait ou dans du cidre // c'était pour épargner le beurre // ou alors si on n'avait plus de dents

C'est à peine si les jeunes ont entendu le nom de ce fruit fort estimé de certains :
les meilles (180) (nèfles) on les mettait dans la paille dans des petites caissettes au grenier / qu'est-ce que c'était bon / fallait qu'elles seraient blêques (181) (blettes) / ça faisait comme de la confiture

Tous n'ont pas de si bons souvenirs :
c'était mauvais / mauvais / j'en n'aurais pas mangé une galeille (182) (morceau croqué à même le fruit)

Une Yportaise nous demande si nous appellons comme elle quelques objets qu'elle nous désigne :
nous / quand ça a un manche / on appelle ça un chaudron (183) (casserole à queue) / et avec deux poignées / c'est une câstrole (184) (fait-tout) ou un pot-au-fû (pot-au-feu) // ça c'est une couleuse (185) (passoire) et ça un équeumeux (186) (écumoire) // avant / le bouesson (187) (lavette) / c'était des bouts de chiquette (188) (chiffon) / de tricot de corps // ça servait à faire la vaisselle / essuyer la table / à tout / ma mère me racontait / c'était dans une ferme [citation, la mère au fils] mouche-teu (mouche-toi) Pierre / vlà du monde [le fils] j'ai point de moucheux (mouchoir) la mée (la mère) [la mère] prends le bouesson (lavette) man (mon) garchon (garçon) // et puis nous / autfè (autrefois) on disait (faire) la potiche (189) (faire la cuisine)

Les relations entre hommes et femmes sont évoquées, en commençant par l'adolescence qui est une période d'apprentissage dans tous les domaines :
vers quinze seize ans / on cmmenchait (commençait) à véoter (190) (véroter s'initier aux jeux amoureux)

Les témoins se remémorent ensuite l'entrée dans l'âge adulte, moment du choix d'un conjoint pour fonder une famille  :
la mée (mère) disait / va pas te (faire) vôler ailleurs / si tu prends une bonne amie (191) (fiancée) / prends une Yportaise

Les Dieppoises n'avaient pas bonne réputation à Yport et un informateur nous chante un refrain de sa jeunesse :
à vous les jeunes gens / qui allez voir les filles / prenez pas une Dieppoise / elle vous jouera des tours / car moi j'en ai pris une / elle m'en joue tous les jours / elle part à la nuit brune / et revient quand il fait jour

On nous apprend encore quelques termes :
se faire prendre sa fiancée / <c'> était se (faire) déblui (192) (se faire débleuir être volé) // et eune brouilleille (193) (brouillée) / c'était une fille douteuse

Naturellement, le brument (194) (jeune marié) s'attend à ce que sa femme soit capable et travailleuse, et pas une du genre que l'on nous cite :
quelqu'un qui sait rien faire / <c'> est un cul sons (sans) mains (195) (incapable)

Une expression servait à confirmer une grossesse :
une fille qu'était enceinte / devant les enfants on disait [citation] elle est comme cheu (ça) [fin de citation] on parlait pas de ces choses-là // ou alors entre gars / quand ça cmmenchait (commençait) à se voir / que c'était vulier (196) (visible) / on disait [citation] tiens en rvlà eune (en revoilà une) / qu'a mâqué (mangé) des petits pois qu'étaient point cuits [fin de citation]

Et lorsque l'enfant paraît à Yport :
quand c'était une fille / on disait / <c'> est une poulie coupeille (coupée)

On nous fait remarquer une locution où apparaît le terme " baquet " :
une jeune femme qu'a trois quatre gamins qui sont nés très rapprochés / on dit / ils sont à mettre sous un baquet (197) / parce on pourrait les mettre ensemble sous un baquet / c'est une expression d'Yport / ils en avaient des ribadelles (198) (ribambelles) de gosses dans le temps // à la campagne / ils disent [citation] la femme au baquet (199) (= à la lessive) / l'homme au banquet

Comme nous avouons avoir du mal à considérer Yport comme une ville, le témoin s'écrie :
c'est une expression d'Yport / pour tout ce qu'est pas d'Yport / on dit / <c'> est de pa (par) là-bas / <c'> est de la compagne (campagne) / <c'> est des gens de pa (par) là-bas

Un témoin nous apprend un verbe qui est toujours utilisé chez lui :
un petit poulot (enfant) qu'est dans son lit / et puis qui bougeait / les vieux ils disaient / il quertit (200) (sursaute) / ou même nous / quand je caouène (201) (caouine suis assoupi) dans le fauteuil / ma femme elle me dit / t'as querti (sursauté)

Les petits enfants grognons ne sont pas toujours appréciés :
vous en avez qui font la jôe (202) (font la joue boudent) // un gosse qui pleure tout le temps / il câne (203) (pleurniche) / on disait // nous ramène pas çu (ce) poulot-là cheu (chez) nous / il fait que de câner / il est rien (comme il est) câneux (pleurnicheur)

En revanche, on s'attendrit sur le petit qui salive :
un bébé qui bave / qui fait des bulles / on dit / il fait le liet (liret étrille) / fallait lui mettre un bavacheux (204) (bavoir)

On s'émerveille aussi du bébé qui mange bien :
mais c'est qu'il est de gronde (grande) vie (205) (= il a bon appétit) / il avale tout brondi (brandi (206) entier) / il corse (207) point (est jamais rasassié) / il va avé (avoir) les jôes (joues) comme j'ai le bas des reins (= va devenir joufflu) [exclamation]

La bonne éducation exige de ne pas avoir de copin (208) (morve) sous le nez, elle ne permet pas de s'éplucher le nez pour y chercher des vignots (crottes de nez), ni de treuler (209) (lâcher des vents), ni de router (210) (éructer).

A une époque pas très lointaine, certains pères de famille n'hésitaient pas à administrer gifles et rossées diverses à leur progéniture :
ceux qu'auraient pas cogné / on aurait dit qu'ils pouvaient point joui (211) (jouir se faire respecter) de leux (leurs) gosses

Un témoin nous explique la progression employée chez lui :
quand il lisait son bout de journal et qu'on l'embêtait / le (père) disait / êtes-vous quitte (avez-vous fini) de jouassonner (212) (jouer) / on était quatre / deux garçons / un garçon manqué et puis la petite quachonne (213) (dernière née) / alors des fois on prenait une lèque (214) (petite gifle) / il disait même // tu veux eune demi-lèque // après c'était tu vas rcevé (recevoir) eune douille (215) / une trempe / ou encore tu vas être preuneu (216) (prendre une prune) // après c'était la radonceille (217) / vraiment une bonne trempe à rouler par terre

Le témoin réfléchit avant de continuer :
ça / c'était comme la radonceille / mais plutôt une menace / le (père) disait [citation] tu vas en rcevé (recevoir) dos et vatre (dos et ventre) / mais si c'était appliqué / on criait au vieux-z-oing (218) / ça veut dire crier au secours // y avait encore le pare-à-virer (219) / le gros coup / c'est ce que recevait le mousse sur les bateaux

Nous racontons avoir entendu, à Bolbec, le terme paoint (220) pour " correction " :
à Yport / ramasser un paoint (tomber) / c'est tomber lourdement // mais à bord / on disait ramasser un bulot / c'était tomber lourdement sur le pont glissant
(
Deux témoins yportais évoquent leur jeunesse et les adages employés par leurs parents :
on avait plein d'expressions qu'on entend plus tellement aujourd'hui / ta mère disait toujours [citation] on peut pas sonner et être à la procession // un cat noué (chat noir) galope aussi bien qu'un cat (chat) blanc (= une chose vaut bien l'autre) // tripette (221) vaut bien moette (222) (morette) (= l'un vaut bien l'autre, en parlant de de deux personnes peu recommandables) // on gagne autant à la voile qu'à l'aviron (= fatiguons-nous moins pour obtenir le même résultat) // on veye (voit) jamais un perroquet avec une corneille // t'occupe point des cats (chats) qui galopent nun-piè (nu-pied) / ça voulait dire / occupe-toi de tes affaires

Le café, comme partout ailleurs à l'époque dont on nous parle, avait une grande importance dans la vie sociale. Les hommes d'Yport s'y retrouvaient :
c'était l'habitude / on s'expliquait (223) (parlait ensemble) / on parlait de chit-t-et cheu (ceci et cela) / des fois / quand on n'avait pas assez de sous / on soutait (224) (mettait de l'argent) pour payer la torneille (tournée) / et puis y en a qui beuvaient (buvaient) en cogneux (225) / c'était (boire) tout seu (seul)

Si quelqu'un cherchait fortune dans les débits de boisson et dans les rues d'Yport, on commentait ainsi sa conduite :
il rest (re-est est à nouveau) reparti barder (226) (chercher à lier connaissance)

Un témoin évoque l'atmosphère qui pouvait régner dans les cafés :
il y en a qui étaient toujours gais / qui se faisaient des blagues / qui aimaient jouer / on disait / comme ils sont jouassons (227) (amateurs de jeux) // quand il y en a qui commençaient à nous agacer / on disait / tu pâles (parles) d'un carnaveu (228) (farceur) que cti-leu (celui-ci) / vas-tu te (taire) maudit carnaveu (farceur) / y en a qui voulaient se mêler de toutes les conversations / alors on disait [citation] qui que tu (qu'est-ce que tu) rnares (229) (renares épies) / espèce de rnareux (renareux fouineur) // et puis / y en avaient qui savaient pas trop ce qu'ils disaient / un gars qui sait pas ce qu'il dit / qui débloque un peu on dit / il déchabote (230) (divague) // quand on voulait pas parler de quelque chose / on disait / on verra cheu (ça) à bâsse-iâeau (basse-eau = plus tard)

L'ivresse a des degrés que la richesse du vocabulaire permet de préciser :
(les matelots étaient pas toujours récents (231) (sobres) / on disait / il en a un petit fleuret (232) (il est un peu vre) / il a san pleumet (233) (a son plumet = est moyennement ivre) / il est (saoul = complètement ivre) / c'est l'ivresse complète / à Honfleur ils disent nn'avé (en avoir) plein les chaussettes / à Yport / on dit aussi / nn'avé (en avoir) un ris (être un peu ivre) / dans la marine à voile / on largue un ris ou plusieurs selon le vent // c'est pareil / on peut nn'avé (en avoir) un / deux / trois ris selon le degré d'imprégnation

Certains buvaient de façon discrète et quand cela se découvrait, c'est avec incrédulité que l'on constatait :
il beut (boit) point / il lape (234) (boit énormément)

Le café-épicerie faisait généralement crédit et cela se passait de la sorte :
(on comptait le crédit avec un bâton sur lequel on faisait une hoque (235) (encoche) à chaque achat / le client et le commerçant avaient chacun leur bâton et on comparait à la fin du mois

De temps en temps, la sonnerie du glas annonçait un décès. Un Yportais se souvient :
c'était huit coup pour un homme et sept pour une femme / alors quand on savait pas qui était mort / on disait / qui qu'est mort <c'> est l'hareng saur // et y en avait toujours qui continuaient // qui qu'est vivant / <c'> est l'hareng blanc (236)


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