|
[2.2.4] Traits morpho-syntaxiques
Nous avions relevé à Senneville un petit nombre
de traits morpho-syntaxiques s'écartant de ceux du français
commun. Nous les avons retrouvés chez les Yportais et chez
les informateurs interrogés dans les autres localités. Le
tableau suivant montrera ces traits qui seront illustrés
par un exemple relevé dans le corpus.
Trait
morpho-syntaxique |
Exemple
relevé dans le corpus |
Genre
du substantif :
fr. commun vs parler local |
un
(une) ancre, un (une) anse
une (un) crabe, une (un) bol |
Masculin
vs féminin de la finale des items en
-é/-ée |
crochè
vs crocheille
Yport : crocheu vs crocheille |
Singulier
vs pluriel de la finale des items en -è
et en -iâeau |
batè
(Yport batet) vs batiâs
siâeau vs siâs |
Article
défini, forme contractée au pluriel |
on
allait à (aux) moules |
Fr.
" aux " vs à les dans
le parler |
il
paie une bière à les (aux) gars |
Déterminant
possessif
Réalisation de
" mon ", " ton ", " son "
Réalisation de " leur " et " leurs "
Emploi d'une forme " leur " en
place de " se " dans la conjugaison des
verbes pronominaux à la 3eme personne du pluriel |
man, tan, san
leux
ils leux (se) promènent
|
Déterminant
démonstratif " ce " |
çu,
çtu [la forme çtu, très
courante à Senneville, est inusitée
à Yport] |
Déterminant
interrogatif et exclamatif " quel " |
queux,
queu |
Grand
usage du déterminant indéfini d'aucuns
pour " certains " |
y
a d'aucuns (certains) enfants |
Pronom
personnel " lui ", formes conjointes et
disjointes |
li |
Pronom
démonstratif, omission de la forme neutre " ce " |
<c'>
est à li (lui) |
Pronom
démonstratif, formes simples " celle,
ceux, celles " |
la
celle, les ceuses, les celles |
Pronom
démonstratif, formes composées " celui-là "
et " celle-là " |
cti-là
et cté-là
(Yport : cti-leu, cté-leu) |
Emploi
du pronom possessif pour exprimer le démonstratif |
le
sien (celui), la sienne (celle),
les siens (ceux), les siennes (celles) |
Négation
Outre " pas ", emploi de :
" point ",
" goutte ",
pièche et
brin
Emploi de brin non négatif dans l'acception
" très " |
je sais point,
il y voit goutte,
j'en ai pièche (pas),
elle est brin (pas) cotente (contente)
elle est brin (très) cotente
|
Préfixe
r(e)- non itératif, très grand
usage |
on
resalait (salait) le cochon |
Indication
de l'heure |
il
est quart moins de midi (midi moins le quart)
il est dix minutes moins de dix heux (heures) |
Tous les traits morpho-syntaxiques consignés
dans le tableau ci-dessus peuvent être observés
dans tous les villages où nous avons fait des enquêtes.
Mais on remarque une très grande instabilité
dans leur emploi, en particulier dans la formation du pluriel
des noms à la finale singulier en -è
et en -iâeau
L'allongement vocalique en finale pour marquer le genre
ou/et le nombre est aujourd'hui relativement rare et ne
se remarque que dans l'opposition masculin/féminin
des finales du français commun -é vs
-ée réalisées -è
vs -eille. A Yport, des témoins nous
ont spontanément signalé qu'ils font une opposition
entre singulier et pluriel et nous ont donné des
exemples écrits (matelot / matelôts,
liet (étrille) / liais) pour illustrer
leur prononciation. Les auteurs des contes publiés
dans la rubrique " Parlons cauchois " du journal
local le Courrier cauchois font grand usage de alle,
alles pour " elle, elles " et de la négation
brin (42). Cette négation n'est guère
employée par les témoins que nous avons interrogés,
et même souvent inusitée. En revanche, l'emploi
de alle pour " elle " est très vivant
à Yport contrairement à, par exemple, Senneville.
Nous avons observé à Yport une opposition
singulier/pluriel de substantifs à la finale -et/-ets.
Le parler yportais prononce le singulier avec une voyelle
entre le è et le é, et le pluriel
avec un è ouvert et un allongement de la voyelle.
Quelques exemples sont donnés dans le tableau suivant.
Finale -é
moyen |
Finale -è
avec allongement |
aplet
(filet)
brachelet (bracelet, protection pour poignet)
corset (jupe)
effets
paillet
tétet (sein) |
aplets
brachelets
corsets
effets
paillets
tétets |
Un Yportais, pour qui l'opposition décrite
ci-dessus est distinctive, nous fait remarquer qu'il a entendu
que les Fécampois prononcent les mots de ce type
avec un è final très ouvert, au singulier
et au pluriel.
Ce n'est qu'à Yport que nous avons jusqu'ici relevé
des finales de participe passé masculin singulier
-- ou employé au passé composé avec
avoir -- en -eu. Leur pluriel est réalisé
-é et leur féminin -eille. Nous
donnons quelques exemples dans le tableau suivant.
Français
ou terme dialectal |
Senneville
|
Yport
|
Senneville,
Yport |
Masc. sing.
(pl.) |
Masc. sing./pluriel
(43) |
Masc. sing./pluriel
(44) |
Fém.sing./pluriel |
essavé
(s) (irrité)
gelé(s)
monté(s)
sucré(s) |
essavè(s)
gelès(s)
montè(s)
chucrè(s) |
essaveu/essavés
geleu/gelés
monteu/montés
chucreu/chucrés |
essaveille(s)
geleille(s)
monteille(s)
chucreille(s) |
Dans le domaine de la morpho-syntaxe, le parler
d'Yport se distingue par la finale d'un participe passé
en -eu (correspondant au français commun -é)
qui forme son pluriel en -é.
|
|
|
ERROR - Either this page is not available or this option
is not added to the list of authorized elements. |
|
|