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L'indépendance politique et cultuelle de la commune (1836-1842) |
De l'Eglise...
Jusque dans les années 1830-1840, bien que quatre à
cinq fois plus nombreux, les yportais dépendaient officiellement
de Criquebeuf en Caux. L'église paroissiale et le cimetière
se situaient au centre du village de Criquebeuf à plusieurs
kilomètres d'Yport. L'école ou ce qui en tenait lieu
était elle aussi à Criquebeuf. La mairie, à
partir de la Révolution, se trouvait, elle, à Yport.
Déjà en 1792, les yportais réclamaient une
église au sein de leur hameau afin de les dispenser de devoir
monter à Criquebeuf pour assister aux offices. Cette année
et celles qui suivèrent n'étant guère propices
à ce genre de réalisation, leur requête fit
long feu.
Une légende
raconte que puisqu'on ne pouvait construire d'église à
Yport, des yportais s'étaient mis en tête de déplacer
celle de Criquebeuf au moyen de cordages (1).
Cette méthode n'ayant guère donné de résultats
probants, les choses restèrent en l'état.
Ce n'est que vers 1836-1837 que les évenements se précipitèrent
: on fit installer l'instituteur à Yport, décider
de la construction de l'église et enfin, séparer les
deux villages pour créer des communes distinctes.
En février 1838, Louis Germain Duhamel,
cultivateur, vend pour 1500f à neuf yportais (2),
qui deviendront par la suite membres du conseil de fabrique, une
première pièce de terre. C'est sur ce terrain que
sera édifiée la future église. Les travaux
commencent le 18 février et le première pierre est
posée le 20 du mois suivant. Quatre mois plus tard, une première
souscription publique recueille près de 9000f.
Les travaux sont rapides : en six
mois, l'église est édifiée et en état
d'être consacrée. Il faut dire que la mobilisation
a été quasi générale. Les plupart donnent
un ou plusieurs journées de travail, d'autres prêtent
leurs embarcations pour aller chercher les matériaux, certains
encore ramassent le sable sur la plage... Chacun, dans son domaine,
participe au chantier. En 1905, la Fabrique écrivait : "Il
est de notoriété que les habitants d'Yport, riches
et pauvres, jeunes et vieux contribuèrent à l'édification
du monument, les plus fortunés par des dons pécuniaires,
les marins en abandonnant pendant un certain temps un centime par
franc du produit de la vente de leur poisson, enfin, le plus grand
nombre en fournissant les matériaux nécessaires et
en donnant leur temps et leur travail manuel." (3)
L'année suivante, un boulanger d'Yport, Dominique Michel-Delacroix,
compose et édite à Fécamp une complainte
en une quarantaine de couplets relatant les différentes
étapes de la construction.
En février 1840, un autre
terrain est acheté 2000f par les mêmes notables yportais
à Louis Germain Duhamel pour agrandir
l'édifice (4). Pour gérer l'église,
un conseil de fabrique est créé en 1841. En font partie
les principaux promoteurs de la construction de l'église.
Dans leur majorité, on les retrouve au premier conseil municipal
d'Yport l'année suivante.
Bien que desservie par un curé, l'église n'était
cependant pas achevée. Cinq ans après sa construction,
une nouvelle sacristie remplaça la première jugée
finalement trop exigue. Les croisées et les bas-cotés
furent prolongés et exhaussés, trois toits les couvrirent.
La configuration de l'église que l'on connait de nos jours
ne remonte donc pas au bâtiment originel mais aux transformations
de 1844-1845.
En 1849, l'intérieur de l'église
est enfin recouvert de crépis. Trop basse, il fallut décider
en 1863 de la réhausser une nouvelle fois : la nef principale
fut surélevée de sept mètres et appuyée
sur de nouveaux piliers (5). Enfin, en 1876,
l'achèvement du clocher clôt le dernier chantier important
de l'église.
A l'indépendance...
Affichette
célébrant les 150 ans d'Yport (1992)
Parallèlement à l'édification de l'église,
un autre conflit annonçait la séparation des deux
villages. L'instituteur, avons-nous dit, était installé
à Criquebeuf mais presque tous ses élèves venaient
d'Yport. Le chemin relativement long pour s'y rendre et la nécessité
de main d'oeuvre pour la pêche rendaient la fréquentation
de l'école assez incertaine. Il fut alors demandé
que la classe se fasse à Yport. Devant le refus de la commune,
on décida dans un premier temps d'employer un instituteur
privé qui ferait une classe mixte aux petits yportais. Après
bien des péripéties tenant tant aux personalités
des acteurs qu'à la rivalité entre les villages, l'école
fut définitivement transférée à Yport
en 1839.
Ainsi, Yport était doté d'une église et d'une
école. Il ne lui restait plus qu'à devenir officiellement
une commune. L'idée d'indépendance courait depuis
longtemps et dans les délibérations du conseil municipal
révolutionnaire, nombreuses sont les remarques à ce
sujet : absences au conseil la plupart du temps justifiées
par l'éloignement des deux villages, conflits d'interêts
nés bien souvent de la dissemblance des deux populations...
Le XIXe siècle était celui de l'expansion et du développement
d'Yport. A cette époque, la mobilité matrimoniale
se fait plus importante et de plus en plus d'étrangers à
la paroisse s'installent à Yport attirés par la pêche
qui prend son essor. Au contraire, du fait de son activité
agricole, la population de Criquebeuf reste stable et le village
stagne. Il était inévitable qu'Yport prenne le pas
sur son chef-lieu.
La séparation eut lieu en
plusieurs étapes. En 1838, tout d'abord, on demanda à
créer deux sections éléctorales, le nombre
de conseillers élus étant proportionnel à la
population de chaque section. On imagine la réaction des
conseillers criquebeuvais devant cette demande qui les mettait de
facto en situation d'infériorité. Deux ans après
à la suite de troubles importants, le conseil municipal fut
dissous sur ordonnance royale. (6)
Dorénavant les événements se précipitent,
on commence à dresser les plans des futures (et encore hypothétiques)
sections d'Yport et Criquebeuf. A la fin de l'année 1840,
une commission est créée pour étudier les modalités
de la séparation. En 1841, Jean-Baptiste Feuilloley,
maire de Criquebeuf et promoteur de la construction de l'église
se rend avec plusieurs membres (yportais) du conseil municipal,
au chateau d'Eu rencontrer le roi Louis-Philippe pour lui faire
part de ses doléances. (7) Ayant eu
gain de cause, la décision de créer la commune d'Yport
est officialisée par l'ordonnance du 18 avril 1842.
Le 1er janvier 1843, Yport possède enfin sa municipalité
et élit son propre maire, Jean-Baptiste Feuilloley.
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Notes
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(1) Je ne détaille
pas la légende, on la trouve dans de nombreux ouvrages sur
Yport et elle est encore connue de nombre d'yportais
(2) Jean-Baptiste Feuilloley,
propriétaire et maire ; Jean-Baptiste Guéroult
aîné, maitre cordonnier ; Jean-Baptiste Laperdrix,
cordier ; Jacques Giard, tisserand ; Jean-Baptiste
Duval, menuisier ; Pierre Alexis Lemaitre,
cultivateur ; Pierre Bernard Enault, cultivateur
; Felix Antoine Aubourg, cordier ; François
Nicolas Leroux, marchand de liquides (A.M.Y.,
série M2 p.3 (3) Extrait de lettre
de la Fabrique à propos de la propriété de l'église,
(A.M.Y., série M2) (4) (A.M.Y., série
M2 p.5)
(5) Registre de la fabrique d'Yport, (A.M.Y,
série M2)
(6) Boulard, op. cit. p.69 (7)
Une autre histoire amusante maintes fois racontée prend place
à cet endroit. cf. Roger Barré, Yport, son histoire,
ses histoires, 1952, Fécamp, Durand & Fils, p. 10
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